10 avril 2020

Interview de Eric Girot, Jean-Sébastien Bignozzi et Laurent Attal


Article du 09 avril 2020 – Après-Vente Auto


Déployer une présence au service des véhicules VL, VUL et PL, sans compromis aucun avec la sécurité sanitaire des collaborateurs et clients, le tout en préparant au mieux la reprise, c’est l’exercice difficile que conduit AAG depuis le lancement de son dispositif «Solidarité-Mobilité“.


Il se dit fier des équipes d’Alliance Automotive Group et des réseaux de réparation sous enseignes, qui affrontent tant de bouleversements à gérer et à digérer en si peu de temps ; admiratif aussi des clients transporteurs et réparateurs, qui tentent d’apporter des services nécessaires dans un isolement fait de crainte de contamination et d’incertitudes économiques.


Protéger en priorité

Eric Girot, Directeur général d’Alliance Automotive Group, tient à faire un bilan raisonné des trois premières semaines de confinement et de leurs turbulences inédites.


Avec tout d’abord cette ferme conviction qu’il oppose à certains reproches d’une fermeture d’abord immédiate : «Nous avons pris cette première décision que nous assumons pleinement. Il fallait mettre en toute priorité l’ensemble des collaborateurs en sécurité. Et ils nous en sont reconnaissants. Nous avions d’ailleurs commencé avant la mise en confinement, en renvoyant chez eux tous ceux qui, pour une raison ou une autre, étaient plus particulièrement exposés à une contamination». Parfois même en dépit de leur souhait de rester alors physiquement à leur poste, se souvient-il.


Mais il veut aussi lever toute ambiguïté. Un dispositif se déployait déjà, souligne-t-il, derrière cette fermeture générale décidée le mardi 17 mars dans la foulée de l’annonce de confinement national et qui concernait alors l’ensemble des 1 100 points de ventes de pièces VL et PL et les 17 plateformes logistiques.


Déploiement du dispositif «Solidarité-Mobilité»

«Dès le mercredi, nous mettions en route la conversion de notre hotline technique en numéro d’urgence. Elle a été opérationnelle dès le jeudi». Parallèlement, les managers étaient mobilisés pour rester au contact des demandes clients. Les urgences, notamment celles concernant les véhicules à finir dans les ateliers, continuaient d’être honorées en livraisons de pièces. Puis s’organisait ensuite, sur la base du volontariat, les retours nécessaires aux postes essentiels permettant d’accompagner les très faibles mais essentielles demandes à servir.


Résultat : un dispositif orchestré sous le nom de «Solidarité-mobilité». «290 sites de distribution, dont 146 distributeurs de pièces PL et 107 ateliers de réparation poids-lourd (G-Truck comme Todd) sont aujourd’hui d’astreinte pour permettre la réparation des véhicules», énumère-t-il, au rythme moyen d’une à deux personnes sur sites. Et coté VL, Alliance Automotive Group peut compter sur 377 entreprises sous l’une de ses enseignes de réparation qui honorent au moins les urgences.


Le groupe de distribution s’assure aussi de la présence de membres de l’encadrement à moins de 100 km de chacun de ces points afin de rester au contact des hommes et de leurs besoins. Et constamment, insiste-t-il, «nous les tenons au courant des évolutions à prendre en compte pour assurer le maximum de protection vis-à-vis d’eux-mêmes et de leurs clients».


-90% en VL et -50% en PL

S’il constate que l’activité VL a chuté de près de 90% -et plus encore en carrosserie-, celle du PL se maintient «entre 40% et 50% des flux habituels», précise Eric Girot. Il rappelle qu’au-delà du nécessaire maintien du transport routier général, les accords grands comptes et flottes PL, ainsi que ceux liés aux pouvoirs publics (ministère de l’Intérieur, pompiers, hôpitaux…), impliquent de rester mobilisés. «Entre ceux qui s’arrêteront encore faute d’activité et les autres qui vont reprendre avec la réouverture progressive de sites de production, nous pensons que ces chiffres se maintiendront».


Car il n’y a évidemment pas de miracle. «Notre dispositif est d’abord destiné aux besoins prioritaires, des pannes qui constituent l’essentiel des prestations encore demandées». Et concernant l’activité propre au groupement de distribution, il rappelle que les chiffres de la réparation VL,VUL et PL ne sont qu’une partie de l’impact que subissent les entreprises sous bannière AAG. «Nous vivons aussi un arrêt brutale des ventes d’outillage et d’équipement de garage».


Assurer une logistique sécurisée

Autre aspect délicat cette réorganisation : la logistique. «Nous avons privilégié l’activité de nos plateformes nationales, car plus vastes, donc plus propices à la gestion de distances de sécurité optimales entre opérateurs. Le pourrions-nous d’un point de vue de potentiel marché que nous ne le ferions pas : notre priorité reste d’assurer au mieux la sécurité des collaborateurs qui ne peuvent être en télétravail», martèle-t-il.


Devant la pénurie de protections diverses vécue par le personnel soignant, «nos distributeurs et nous avons cédé tout ce qui pouvait l’être afin qu’il puisse continuer leur mission au mieux». Rééquiper les équipes en EPI (équipements de protection individuelle) mais aussi en masques et gants sera donc un préalable incontournable avant de remettre plus de collaborateurs au travail.


Au moins n’y a-t-il pas de problème de stock de pièces. AAG a anticipé : «Nous avions restocké préventivement. Et en ce qui concerne les sourcings lointains, nous avions tenu compte non pas du confinement chinois mais, bien en amont, du fait du nouvel an chinois qui perturbe toujours les productions», explique-t-il. Et au rythme réduit où sortent les références actuellement, il y d’autant moins de chance de risquer une rupture.


Rester au contact

Pour piloter la situation, le Comex (comité exécutif du groupe) se réunit tous les jours en visio, comme d’ailleurs les équipes opérationnelles du groupe. Et les salariés, en activité ou pas, sont chaque jour destinataires d’informations. La clientèle essentiellement BtoB que gère ainsi les membres de AAG implique aussi une présence constante. «Ils ont la hotline bien sûr pour commander une intervention, mais nous restons aussi en contact par SMS et par téléphone».


Une organisation de présence virtuelle a aussi été déployée vers les réseaux de réparateurs. «Une newsletter d’informations propres à la période leur est adressée tous les deux jours, les équipes du réseau sont toujours joignables et les chefs de région relaient aussi informations et conseils».


Vers une nouvelle organisation du travail ?

Cette digitalisation forcée des relations pendant de longues semaines va-t-elle changer durablement les habitudes ? C’est déjà un peu le cas. «Nous encourageons par exemple les formation en e-larning. Cette période de baisse d’activité est aussi l’occasion de suivre des formations qualifiantes», précise-t-il.


S’il considère qu’il est encore un peu tôt pour tracer des tendances, Eric Girot n’exclut pas que les moyens digitaux se fassent pour l’occasion une place croissance dans les interactions professionnelles.


Au niveau du groupe, l’efficacité des réunions “virtuelles” fait déjà réfléchir. «Nous gagnons en temps comme en efficacité», constate Laurent Attal, directeur commercial pour les activités VL et PL du groupe. Et le temps libéré par la baisse d’activité est là aussi mis à profit. «Nos effort de présence vers la communauté des télétravailleurs nous permettent aussi d’aborder plus efficacement des dossiers qui nourrissent le présent tout en en préparant l’après-crise».


Une après-crise qui reste encore à inventer, tant les incertitudes demeurent fortes (voir encadré).


Une sortie de crise encore pleine d’inconnues…


Comment l’équipe dirigeante d’AAG voit-elle la sortie de crise ? Jean-Sébastien Bignozzi, directeur marketing d’AAG France, s’appuie sur une toute fraîche première analyse du GiPA qui, sur la base d’une sortie de confinement mi-mai, voit l’année se terminer potentiellement à -14% de chiffre d’affaires.


Une vision optimiste que le GiPA lui-même envisage de revisiter tous les 15 jours pour affiner ses chiffres, tant les inconnues restent encore nombreuses. «Nous ne savons pas encore comment et quand exactement se terminera ce confinement, ni même s’il sera général ou seulement progressif« , explique J.-S. Bignozzi. Il s’attend plutôt « à un recul annuel de 20, voire 30%».


Car nul ne sait non plus dans quel état d’esprit sortiront les Français de leurs prisons sanitaires, ni d’ailleurs dans quel contexte économique. Seront-ils enclins à rattraper le temps perdu, en allant visiter leurs familles, en préparant activement des vacances qui se dérouleront probablement en France ? Reviendront-ils vite aux transports en commun ou préfèreront-ils rester durablement protégés dans leurs voitures personnelles ?


«Tout dépendra aussi beaucoup de l’état des entreprises et donc du marché de l’emploi. Une vague de chômage ne sera guère porteuse, même pour l’après-vente», souligne Jean-Sébastien Bignozzi, qui rappelle que le cœur de la clientèle de la distribution et de la réparation indépendante se constitue de clients à relativement faible pouvoir d’achat, dotés de véhicules âgés. «Ce contexte de forte récession, s’il se double d’une faible reprise, les impactera en premier».


Si le pire ne doit jamais être certain, le meilleur reste, face à cette situation sans précédent, difficilement lisible.

10 avril 2020